Le commun comme projet
Récit
Transformer le collectif
Au début des années 2000, l’immeuble de logements « classique » était conçu « en plot » : un plan plutôt carré, avec quatre logements d’angle prétendument traversants – c’est-à-dire, au mieux, bi-orientés, ce qui n’est pas du tout la même chose. Au centre de cet agencement, la partie commune, souvent raide et sombre, prend place autour de l’ascenseur jusqu’au rez-de chaussée.
Imaginons notre arrivée dans un tel immeuble. Arrivés par le parking, on emprunte l’ascenseur jusqu’à l’étage de notre logement. Lorsque les portes s’ouvrent, le palier est plongé dans l’obscurité, ce qui peut provoquer l’angoisse d’une mauvaise rencontre avec un voisin transformé en serial killer. Nous finissons par atteindre enfin l’interrupteur, mais à peine entamée une sympathique conversation avec notre voisin de palier (finalement inoffensif), celle-ci ne dure que 30 secondes, interrompue brutalement par la minuterie automatique qui nous plonge de nouveau dans le noir. Il nous faut encore appuyer sur l’interrupteur. Répéter cette action 5 fois, pour obtenir cette lumière artificielle – la conception du bâtiment ne nous permettant pas de bénéficier d’un éclairement naturel - devient vite ennuyeux et abrège rapidement la conversation… Ce type de collectif produit finalement l’effet pervers d’exacerber le désir d’individualité plutôt que de collectivité.
Il est primordial de se concentrer sur l'essentiel lorsqu'il s'agit des parties communes, ces espaces partagés qui, précisément, peuvent devenir le lieu du commun. La conception devrait, a minima, dessiner un palier éclairé naturellement, offrant un espace de circulation généreux et agréable, traité comme un lieu de séjour. C’est aujourd’hui une préoccupation plus répandue, mais qui doit se généraliser. L’occupant aura certainement beaucoup plus envie de discuter et de fabriquer des histoires communes. Cela permettrait éventuellement de rencontrer un voisin, d'échanger avec lui et de construire quelque chose ensemble, en créant ainsi un destin commun.
Une fois de plus, la recherche d'un équilibre est d'une importance capitale. Il est évident que nous devons prendre en compte la notion de sobriété dans toute conception, et donc réfléchir au juste équilibre entre les espaces privés et les espaces communs, entre les m² utiles et les superflus. Si nous cherchons à agrandir tous les espaces, cela ne fonctionnera pas. Mais il est nécessaire d'inventer un collectif qui suscite l'envie d'aimer le collectif et qui procure finalement un sentiment d'appartenance collective.
Cette question de la partie commune se pose aussi, et surtout, dans les zones pavillonnaires. Avec 55 % des logements existants en France qui sont des maisons individuelles, il est impératif de se pencher sur la question du commun et des espaces partagés dans ces zones d’habitation.
Plus largement, tout projet, fut-il individuel, comporte une dimension « commune » trop souvent impensée. Pour lutter contre le désamour des villes et l’étalement urbain, il est essentiel de promouvoir un collectif qui suscite l'envie et le désir du vivre ensemble.