Hyperstaticité
Récit
La générosité des vides
En construction, lorsqu’on dimensionne un ouvrage, on opère des calculs permettant d’évaluer la matière strictement nécessaire à l’encaissement de la descente de charge. On construit alors des structures isostatiques.
Les structures hypostatiques sont impossibles à réaliser, car elles s'effondreraient. Une légère hyperstaticité est parfois adoptée, mais l’hyperstaticité nécessitant plus de matière, elle est synonyme de gaspillage et coûts supplémentaires. Cependant, en construisant des bâtiments hyperstatiques de degrés élevés, on attribue à ces structures une robustesse intrinsèque permettant d’encaisser des aléas et ainsi de perdre un, deux, trois dispositifs tout en conservant la fonction initiale de ces bâtiments.
Prenons l’exemple de la chaise. Une chaise isostatique se compose de trois pieds. Il faut qu’ils soient judicieusement disposés, ce qui permet de s'asseoir sans tomber, tandis qu’il est très difficile de maintenir l'équilibre sur une chaise à deux pieds, ce qui la rend hypostatique. Une chaise à quatre pieds présente une hyperstaticité de degré un. On peut envisager la création de chaises à cinq, six ou même sept pieds. L’intérêt d’une chaise à 7 pieds, c’est que si l’un d’eux se casse, elle reste une chaise, et même avec deux pieds cassés, elle continuerait à remplir sa fonction.
On comprend alors que plus une structure est hyperstatique, plus elle a la capacité d'encaisser les aléas et de résister à des incidents. Casser un pied d'une chaise à sept pieds n'aurait pas de conséquences graves, n’entraînerait pas de dégradation de la structure et ne provoquerait pas la chute de son utilisateur.
La générosité des vides et la générosité des pleins, qu'aujourd'hui on appellerait gaspillage à l'aune de la sobriété, interrogent alors fondamentalement la fabrication de la ville quant à la capacité d’un territoire urbanisé à apporter des services aujourd'hui, mais aussi demain, dans une résilience qui lui permette d’encaisser les aléas d’un futur incertain.