De la géographie à l'intime
Récit
Le confort d'été, une histoire de traveling
Nous savons que la question du confort d’été, dans les bâtiments comme pour les espaces extérieurs, est un des enjeux majeurs de demain. Pour cela, deux éléments basics : se protéger du soleil et utiliser le vent. Dans le passé, on trempait un linge dans une bassine avant de le placer devant une fenêtre ouverte : le linge, comme surface d'échange, l'eau, comme élément qui en changeant d'état, absorbe de l'énergie, et le vent, comme moteur. Les trois ingrédients du rafraîchisseur adiabatique. En ville aujourd’hui, c'est à peu près la même chose. On travaille sur les trois mêmes conditions : la surface d'échange - souvent le végétal -, l’eau - qui est remontée des sous-sols par le végétal et caractérisée par l'évapotranspiration -, et le vent. Encore faut-il que cette ressource soit disponible…
Dans un logement, lorsqu’on ouvre une fenêtre, que se passe-t-il ? Peut-être rien. Parce que la brise naît d'ailleurs, elle n'existe pas là juste derrière. Ce n’est pas une ressource disponible à la demande juste derrière la fenêtre. Elle vient de quelque chose qui est le vide, des rues, de l'espace public, du maillage urbain.
Changeons d'échelle, en opérant un traveling arrière, jusqu’à la géographie : sur quoi donne cette fenêtre ? L’espace public sur lequel elle s’ouvre est-il végétalisé ? Y a-t-il de l'eau ? Son orientation est-elle compatible avec les vents dominants ? Quelle est l'organisation de la ville et sa position dans son grand territoire, son grand bassin, dans sa géographie ? Le vent est-il d'abord passé sur une masse rafraichissante, végétale, un plan d'eau, etc. ? A-t-il été réchauffé en traversant des espaces extrêmement minéralisés ? Cela pose la question non seulement de la forme, mais aussi de la nature des vides de la ville et de leurs connexions. Et en amont de ces connexions se posent également des questions de climatologie, de météorologie et in fine de géographie qui fabriquent et caractérisent une ressource potentiellement disponible derrière une fenêtre.
Donc l'armature urbaine, pensée aujourd'hui essentiellement pour faire passer des voitures, doit aussi être envisagée à travers ce prisme : la rue est-elle en connexion avec d'autres rues plus importantes qui elles-mêmes ont réussi à récupérer du vent ? Quelles sont les porosités de la ville par rapport aux territoires vides qui l'entourent ? Ces vides sont-ils eux-mêmes rafraîchissants ?... Ce qui se passe lorsqu’on ouvre la fenêtre dépend en partie de ces questions.
Il peut arriver qu’un bâtiment, un front bâti, fasse obstacle à la circulation des vents. Et donc que certaines démolitions, certaines ouvertures, apportent un bénéfice considérable à tout un quartier ainsi re-ventilé naturellement.
Architecture et ventilation
Que le vent arrive derrière la fenêtre ne suffit pas à le faire pénétrer à l’intérieur. En opérant maintenant un traveling avant, d’autres questions se posent, qui relèvent de l’architecture et de l’aménagement intérieur : quelle est l'épaisseur du bâtiment ? Est-il traversant, et si oui, sur quoi donne la fenêtre opposée ? Avez-vous la possibilité de l'ouvrir ?... Il faut ensuite interroger l'organisation même du logement : permet-elle d’assurer la porosité aéraulique nécessaire à la circulation intérieure de la brise ? Autrement dit : n’y a-t-il pas de séparation jour/nuit du logement qui briserait la continuité du phénomène ?
Peut-être faut-il dessiner des pièces qui courent d'une façade à l’autre, ou mettre en place un volet de ventilation intégré dans les parois ou les portes, comme dans le couvent de la Tourette de Le Corbusier.
La question de la brise en tant qu'alliée pour le confort d’été soulève des interrogations à toutes les échelles de la géographie à l'intime, de l’urbanisme à l’architecture, dans une cohérence scalaire qui oblige tous les acteurs à concevoir ensemble.