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Récit
La sobriété
Si nous érigeons la sobriété comme dogme, encore faut-il s’accorder sur le sens de ce terme et sur les valeurs qu’il porte.
Sobriété (du latin sobrietas, ebrietas (ébriété) précédé du préfixe se (à l’écart de)) véhicule des notions de tempérance, de maîtrise et de « moins » : en l’occurrence, moins d’énergie, moins de carbone, donc moins de matière, moins de matériaux déplacés, moins de hauteur sous plafond, moins de vitrages, etc. Autant de valeurs qui interrogent fondamentalement la qualité d'usage. Il y a une grande contradiction qui se joue là, et qu'il faut arriver à résoudre en termes de dialectique.
En effet, qui souhaite habiter dans des logements moins grands, à la hauteur sous plafond réduite, sans espaces extérieurs, et avec peu de fenêtres ?? Les logements de ce type, qui manquent de qualité d’usage, sont probablement nombreux parmi les 3 085 000 logements vacants recensés[1] en 2021 en France…
Tout se joue dans la recherche complexe des meilleurs équilibres entre la sobriété qui conduit, à faire moins, et la qualité d'usage, qui demanderait de faire plus.
Quantité et qualité
Ces questions relèvent de la géométrie, de la morphologie des bâtiments. Comment définir les invariants morphologiques de la qualité pour ensuite travailler sur la sobriété du mieux ?
Nous pouvons chercher de la sobriété matière sans avoir à réduire la quantité de matière. Derrière cette quantité de matière, il y a des notions essentielles, telles que la hauteur sous plafond, la quantité de fenêtres, ou la façade épaisse qui permet de s'auto protéger du soleil.
Si nous procédons à une suppression totale, cela relève de la sobriété, mais cela ne se relève pas de l’efficacité. Par conséquent, il est crucial de prendre des précautions, car dès que le concept de sobriété est évoqué, quelqu'un va finir par inventer un label de sobriété assorti d'un indicateur. Ainsi la valeur de 110 sera considérée comme médiocre, mais lorsqu'elle attendra 80, cela sera jugé satisfaisant. Mais attention, la méthodologie de calcul ne garantit pas l’efficacité. Il va falloir réduire obligatoirement des quantités puisque lorsque l’on fait des bilans carbones ou des bilans sobriété, ce seront des quantités x des qualités. Or, en environnement, les indicateurs pertinents sont des indicateurs duales quantité/qualité. Il est parfois plus juste de ne pas réduire les quantités, mais d’augmenter les qualités pour que l’équation quantité x qualité soit la meilleure, sans avoir eu à réduire les quantités.
Évidemment, la notion de sobriété évolue avec le temps : ce qui fonctionne aujourd'hui n’est pas forcément la perspective du sobre dans le futur ou du qualitatif dans le futur. Nous constatons que la question de la réversibilité, c'est-à-dire la capacité de changer d'états ou d'usages, nécessite parfois de fournir davantage dans le présent. A l’occasion de l'exposition Paris Haussmann*, nous avons par exemple démontré que la capacité de réversibilité de l’immeuble de rapport haussmannien se jouait principalement dans le plus de vide et le plus de matière : c’est parce qu’il est très haut de plafond par exemple, qu’il peut accueillir du logement comme du bureau ; c’est parce qu’il est traversant et les îlots parsemés de nombreuses « cheminées de ventilation » (cours, courettes, etc.) qu’il est plutôt bien adapté aux épisodes caniculaires…
Ainsi, même si le plus est aujourd'hui suspecté de gaspillage, il est essentiel de réfléchir à la balance quantité de ressources/efforts déployés/bénéfices récoltés pour obtenir dans nos opérations un résultat à la fois désirable et durable.
*Exposition Paris Haussmann, Modèle de ville, Pavillon de l’Arsenal, 2017, Commissaires scientifiques invités : LAN - Benoit Jallon et Umberto Napolitano et AFB- Franck Boutté
[1] Etude de l’INSEE sur le logement en France au 1er janvier 2021